Salammbô de Gustave Flaubert

Combien de jeunes hommes et femmes passionnés de fantastique, d’histoires, d’Histoire, de combats épiques, de magie étrange ignorent tout du chef-d’œuvre de Gustave Flaubert : Salammbô. La dénomination officielle est « roman historique » alors que l’œuvre, bien que prenant pour cadre un événement historique (la révolte des mercenaires) et une civilisation antique (Carthage), ne répond pas aux conventions de genre du roman historique, faisant apparaître au besoin des éléments fantastiques comme le Python ou le Zaïmph (objet magique).

Bien que je sois particulièrement amoureux de la langue de Flaubert et particulièrement de ce récit-là, je peux reconnaître que ce n’est pas un texte facile. La première difficulté tient dans le caractère peu conventionnel du héros : il n’y en a pas vraiment. La figure héroïque oscille entre Hamilcar Barca (le général carthaginois), Salammbô (sa fille et prêtresse de la lune), Mâtho (un mercenaire libyen) et même Spendius (un esclave révolté et machiavélique). Mais la principale épreuve qui attend le jeune lecteur, c’est le vocabulaire compliqué. Il est vrai que Flaubert, par pédanterie diront certains fâcheux ou par choix littéraire diront ceux qui ont du goût, a parsemé son récit de mots peu usuels, d’un vocabulaire parfois technique (l’Antiquité), parfois volontairement décalé (allant appeler le henné par son nom latin : le lawsonia) et parfois remarquablement bien inventé (qui ne rêve pas de trouver une pierre précieuse nouvelle, comme le tyanos ou le sandastrum ?)

Il n’empêche (et c’est le propos de ce texte) que ce roman contient à merveille, l’ensemble des fondamentaux des techniques d’écriture, du moins tel que nous essayons de les mettre en pratique à l’association « Les Yeux Fermés ». Si nous pouvions écrire avec à peine un dixième du génie que Flaubert a déversé dans ce roman, nous serions des amateurs de l’écriture heureux.

L’ambition ici n’est pas de produire une analyse de texte universitaire, chose que nous ferions forcément moins bien que des universitaires mais de glaner, ici, des enseignements qui pourraient nous aider à mieux écrire. Analysons donc le premier chapitre de Salammbô et observons-y les éléments de rythmique, de mélodie et d’harmonie qui le compose pour en déduire ce que nous pourrions travailler pour améliorer notre écriture d’histoire.


Objectif : observer les éléments de rythmique, de mélodie et d’harmonie.


  1. Chapitre 1 de Salammbô
  2. Rythmique
  3. Mélodie
  4. Harmonie

 

Conclusion

Ouvrir sur le premier chapitre d’un ouvrage à l’arène (arène : setting, univers de l’histoire) aussi complexe et riche que celle de Salammbô n’est pas chose aisée. Il faut mener un triple travail d’exposition :

  • l’exposition de l’univers qui ne demande pas l’explication exhaustive des données politiques, ethnologiques, sociologiques, économiques ou autres mais qui nécessite de plonger le lecteur dans un univers dont il ne veut plus sortir…
  • l’exposition des personnages principaux qui n’est pas nécessairement la peinture précise de leur apparence ou de leur histoire mais qui permet de les placer dans l’histoire, de les fixer non pas sur des critères explicites de caractérisation mais bien sur des critères implicites de caractère.
  • l’exposition de l’intrigue qui nécessite de placer d’entrée les protagonismes (néologisme nécessaire dans Salammbô où le protagoniste n’est pas évident), les antagonismes, les désirs, les conflits, les amorces des crises fondamentales.

On notera deux choses parmi tant d’autres de cette courte lecture du travail de Flaubert sur le premier chapitre de Salammbô, deux idées qui doivent nous guider pour sortir de nos réflexes amateurs pour nous donner envie d’écrire plus loin :

  • l’exposition est dramatisée. Ce n’est jamais l’énumération de faits, de noms, d’images qu’il faudrait fournir au lecteur préalablement à l’histoire. Car la vie des personnages est comme la vie des Hommes, c’est le conflit et la péripétie qui révèle la vérité des hommes et des sociétés. L’exposition n’est pas à côté de l’histoire, elle en fait partie pleinement.
  • Quand on commence à écrire, on croit devoir être explicite dans son travail d’exposition. Ce n’est pas le cas ici. Carthage est implicitement l’Orient, une ventrée de couleur ; les personnages sont positionnés subtilement et l’intrigue est amorcée avec finesse. L’exposition est implicite.

L’étude de ce texte était l’occasion de montrer la pertinence de la conception de la musicalité de l’histoire pour comprendre comment organiser un récit, comment lui donner une force émotionnelle et symbolique complète et satisfaisante.

Écrire ne se limite pas à juxtaposer des phrases en essayant de faire porter la charge de la réussite du texte sur la qualité des mots qui se suivent. C’est un travail de composition et de recomposition permanent. L’histoire est une architecture et la beauté de la langue n’en est que la décoration lorsque tout a été bâti.

Dans l’espoir que cette analyse vous aura permis de puiser quelques idées pour vous aider dans vos ambitions d’écrire…

 

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Sources

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